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CANTAL-LIENS
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A LAVINAL, hameau de la commune de SANSAC-DE-MARMIESSE, canton sud de l'arrondissement d'AURILLAC, département du CANTAL, sont domiciliés Jean-Baptiste ESCARBASSIERE (natif d'OMPS) et sa femme Marie CALDEMAISON (native de SAINT-SAURY). Le 13 octobre 1869 à 16h00, dans leur maison, leur fille Julienne, 31 ans, célibataire, accouche d'un garçon qui est prénommé Pierre.
La rumeur familiale laisse entendre que cet enfant est issu des amours illégitimes de sa mère avec un riche bourgeois célibataire chez qui elle était placée comme servante. Cet homme n'aurait pas pu l'épouser car il serait décédé prématurément d'un accident de chasse.
Pierre ESCARBASSIERE est donc scolarisé à l'école de SANSAC-DE-MARMIESSE. En 1880 il est inscrit dans la liste des enfants admis gratuitement à l'école primaire. Il habite au bourg avec sa mère (ses grands-parents sont décédés) qui est déclarée : journalière.
L'émigration en CASTILLE, par l'intermédiaire d'amis ou de membres de la famille déjà expatriés, étant une constante des habitants de ce canton (voir la très importante thèse de madame Rose DUROUX sur ce sujet), Pierre quitte l'AUVERGNE pour l'ESPAGNE vers 1885. Une information familiale fait état d'une première installation à VILLAVICIOSA-DE-ODON (banlieue sud de MADRID) sur invitation d'une famille VIDAL, mais la famille ROUX (originaire de SANSAC-DE-MARMIESSE) possédait également de nombreux commerces dans cette région.
Il revient en AUVERGNE pour accomplir ses obligations militaires. Le 21 novembre 1890 il est incorporé au 139eme de ligne basé à AURILLAC. Il est indiqué dans ses papiers militaires que sa taille est de 1m55, que ses cheveux sont châtains et ses yeux gris. Son métier est "marchand". Il est donné comme sachant lire et écrire mais pas compter (il faut être particulièrement naïf pour croire qu'un marchand auvergnat ne sait pas compter) A l'issue de son service militaire, le 23 septembre 1891, il déclare regagner son domicile situé dans la commune de MOSTOLES près MADRID. La destruction des archives de cette commune, durant la guerre civile, ne permet pas de retrouver de plus amples renseignements sur cette partie de sa vie.
Nous le retrouvons ensuite dans la commune de VICALVARO, toujours dans la banlieue sud de MADRID, où il apparaît dans le "padron de vecinos" de l'année 1898 comme résidant dans le village depuis deux ans. Il y est domicilié au numéro 2 de la Plaza de la Constitucion en compagnie d'un nommé Pierre CARRIER, commerçant et français comme lui. Il est donc venu s'installer à VICALVARO en 1895 ou 1896.
Dans ce village était installé à cette époque comme commerçant en "comestibles" Luis PUECHALDON y Compania (en 1900 il est également "tahonas" (boulanger). Un autre auvergnat : Eugénio VERMENOUCE tient un commerce de "tejidos" (tissus). Nous n'avons pas retrouvé de registre de commerce antérieur à 1900 pour ce village de VICALVARO (2288 habitants).
L'on peut supposer qu'il travaillait pour la famille PUECHALDOU car, à partir de l'année 1903 il apparaît comme commerçant en "comestibles".
Entre temps il épouse, le 04 juillet 1899 à VICALVARO, Maria Del Carmen Donatila MUNOZ SANCHEZ, âgée d'à peine 21 ans; il en a 30. Elle est née à VICALVARO le 30 juillet 1878 de Anselmo MUNOZ VAZQUEZ ET DE Juana SANCHEZ ROS, natifs tous les deux de VICALVARO. Son père a été antérieurement Alcade de VICALVARO; à noter qu'il mesurait 2m05 et sa fille 1m78 (soit 23 cm de plus que son mari).
Ils auront quatre enfants :
- Juliana Enriqueta née le 03 mai 1900 qui épousera à VICALVARO, en décembre 1925, Rafael MARTINEZ, juge. Ils s'installerons à CARACAS (Venezuela) et auront cinq garçons. Elle décédera à CARACAS en février 1979.
- Antonio né le 03 décembre 1901, qui décédera le 15 mai 1902 de la rougeole.
- Miguel Enrique né le 05 juillet 1903 qui épousera Philomène CONORT à AURILLAC le 24 mars 1933 et en aura trois enfants. Il décédera à YVETOT (Seine-Maritime) le 12 août 1994. - Juana née le 17 janvier 1905 dont nous n'avons pu trouver la date du décès; a la date du décès de sa mère, en juin 1911 elle n'est plus en vie. En effet un cinquième accouchement se termine dramatiquement pour Maria Del Carmen Donatila qui décède le 24 juin 1911 de fièvres puerpérales, n'ayant pu mettre son bébé au monde.
Pierre ESCARBASSIERE se retrouve donc veuf à 41 ans avec deux jeunes enfants (11 et 8 ans) à élever et trois commerces à tenir car ,à partir de 1909, il apparaît dans le registre de commerce comme propriétaire de "comestibles", "carcineria" (boucherie) et "téjidos" (tissus). Les témoins disent que ces trois commerces étaient réunis dans un même local situé Place de la Constitution.
Un certificat d'immatriculation établi en 1917 par le Consulat de France à MADRID indique comme profession : commerçant en tissus et denrées coloniales.
Dès le décès de son épouse, sa mère vient le rejoindre à VICALVARO pour l'aider à élever ses enfants. Elle est alors déjà âgée de 75 ans.
Habitent également avec eux, aux numéros 11 et 12 de la Plaza de la Constitucion, Antonia MUNOZ nièce de Maria Del Carmen Donatila (fille de son frère aîné Antonio) et le père de Maria Del Carmen Donatila : Anselmo MUNOZ, depuis son veuvage en l'année 1900 et jusqu'à son décès en 1919.
Quelques anecdotes au sujet de la vie à VICALVARO de Julienne ESCARBASSIERE. Elle était très petite, environ 1m50, et faisait du tricot pour Anselmo, le beau-père de son fils, dont la très grande taille de 2m05 lui posait des problèmes de longueur, ce qui la faisait râler. D'autre part elle détestait les corridas qui, à cette époque se déroulaient sur la place du village et dont les chevaux des picadors n'étaient pas protégés. En bonne auvergnate qu'elle était, elle aimait beaucoup les chevaux et les taureaux. Alors, avec son grand parapluie auvergnat qui ne la quittait pas, elle frappait les personnes qui applaudissaient tout en les traitant fort copieusement d'assassins. ce qui lui a valu à plusieurs reprises d'être appréhendée par les carabiniers. Son fils devait ensuite aller la récupérer et, quand il la réprimandait sur ces faits, elle lui répondait qu'elle retournait en Auvergne, mettait quelques affaires dans un baluchon qu'elle enfilait sur le parapluie pour le porter sur l'épaule, puis prenait la route à pied. Heureusement le réseau des auvergnats de la région, chez qui elle était susceptible de faire étape, fonctionnait bien et son fils, prévenu, n'avait aucun mal à aller la rechercher.
En mai 1997 un témoin nous a raconté que la mémé ESCARBASSIERE allait à la messe en compagnie de la mémé PUECHALDOU, toutes les deux habillées de noir et la tête couverte de la coiffe blanche auvergnate. C'était, parait-il, un spectacle très étonnant pour la petite fille qu'était à l'époque notre témoin; avec ses petites amies, elles se moquaient de ces deux petites vieilles (réellement très petites toutes les deux).
Le 3 avril 1923 le Roi Alphonse XIII se rend à VICALVARO pour la nomination du Colonel nouveau commandant du 12 eme régiment d'artillerie qui est caserné à VICALVARO. Cela donne lieu à un accueil chaleureux du Roi par la population du village. Les notables ont participé activement à cette réception et Don Pedro était fier d'avoir été photographié en compagnie du Roi. Malheureusement nous n'avons pas encore pu retrouver cette photo.
Le 30 septembre 1923 un décret royal (dicté par le dictateur PRIMO DE RIBERA) ordonne la destitution des Alcades et conseils municipaux en place afin de lutter contre le "caciquat" et la très grande corruption en résultant.
Sous la surveillance d'un militaire, le Conseil Municipal de VICALVARO est réuni le 2 octobre. Après la destitution du Conseil en place, les neuf conseillers intérimaires élisent parmi eux un nouvel Alcalde. A l'unanimité Don Pédro ESCARBASSIERE est élu à ce poste. Il assumera cette haute responsabilité jusqu'au 14 novembre 1927 où un Conseil Municipal extraordinaire, réuni sur demande du premier adjoint, le destitue pour sa trop grande liberté (ubérrima libertad). A noter que l'on se trouve au plein de la dictature de PRIMO DE RIBERA (dite la dicta douce).
L'examen détaillé de son action comme alcalde, à travers les délibérations municipales, reste à faire mais l'on a déjà pu noter que le 31 décembre 1926 il abandonne son allocation d'Alcalde (1500 pesetas) au bénéfice de l'installation de fontaines publiques dans le faubourg. Il a milité également pour la création d'écoles pour les garçons et filles des travailleurs (labradores).
En 1928 l'ESPAGNE est de plus en plus agitée par des mouvements populaires qui s'en prennent aux biens des étrangers, mais la rumeur familiale fait état qu'Enrique aurait été mêlé à des manifestations à MADRID, ce qui aurait précipité le départ pour la FRANCE de Don Pedro et de son fils. Sa fille Juliana a déjà quitté l'Espagne pour l'Amérique du sud avec son premier enfant et son mari qui occupera un poste important dans la représentation de la République Espagnole tant au VENEZUELA, qu'à CUBA et NEW-YORK.
Ce départ pour la FRANCE a certainement eu lieu en novembre ou décembre 1928 (établissement le 19 décembre 1928 d'un certificat de nationalité pour Miguel Enrique par le vice-consul d'ESPAGNE à RODEZ).
La consultation des périodiques de cette année 1928, ainsi que les années encadrantes, ne permet pas de connaître la réalité des événements politiques pour cause de censure.
Don pedro ESCARBASSIERE était devenu propriétaire de nombreux terrains dans cette commune agricole. Seule industrie locale : une cimenterie inaugurée quand il était Alcade. En 1927 il partage ses biens entre ses deux enfants en vie. De très nombreux terrains sont restés à leurs noms, et d'une certaine façon abandonnés à cause de la guerre civile puis de la seconde guerre mondiale. Des personnes bien placées à la Mairie, ont profité de leur situation pour s'emparer de ces biens et spolier ainsi la famille ESCARBASSIERE qui, outre la crainte suscitée par la dictature du général FRANCO a fait preuve d'une certaine négligence. La folle urbanisation du village de VICALVARO (3000 habitants en 1925, plus de 40000 en 1997), devenu un arrondissement de la Communauté de MADRID, fait que ces terrains, de peu de valeur au départ de Don Pedro et de sa famille, représentent maintenant une valeur colossale. Mais ceci est une autre histoire qui n'a pas à être développée dans cet historique.
De retour en FRANCE Don Pedro redevenu Pierre ESCARBASSIERE, s'établit à AURILLAC, rue du collège, et fait du commerce ambulant de primeurs, avec son fils. En 1933 Miguel Enrique épouse Philomène CONORT (originaire de JUSSAC). Pierre habite donc avec le jeune ménage et sa belle-fille l'aide à tenir le commerce. Vers 1935 ils s'installent à FRESSY (AURILLAC) puis à CONROS comme gardiens du château (environ de 1938 à 1941). Pendant leur séjour en ce lieu Pierre s'occupera de chevaux militaires blessés ou traumatisés qu'il soignera et remettra sur pieds. A cause de la guerre le commerce primitif évolue vers la vente de fromages et d'épicerie puis périclite par difficulté d'approvisionnement et manque de carburant.
En 1941 ils vont s'installer à TRONQUIERES (AURILLAC) comme gardiens du terrain d'aviation. Ils utiliseront ce lieu isolé pour abriter et cacher de nombreux résistants et leurs armes. C'est là qu'au début de l'année 1945 Pierre ESCARBASSIERE se fait griffer à la main gauche par l'ergot d'un coq qu'il tuait pour l'alimentation familiale. Le 20 avril 1945 il décède, à son domicile, du tétanos. Il est inhumé au cimetière d'AURILLAC.
Ainsi s'achève la vie étonnante de Pierre ESCARBASSIERE, certainement le seul français à avoir été Alcalde d'une commune espagnole et qui, encore maintenant, laisse à VICALVARO le souvenir d'un Don Pedro ayant beaucoup oeuvré pour le bien du village.Grace à la complicité agissante de l'association "Vicus Albus" et de son Président Valentin GONZALEZ GALVEZ, VICALVARO, reconnaissante, a obtenu de la communauté de MADRID, qu'une rue puisse porter le nom de son ancien Alcade.
Ainsi, depuis le début de l'année 2009, une "Calle Alcade Pedro ESCARBASSIERE" se trouve dans la zone industrielle de VICALVARO, à deux pas de la gare RENFE et de la station de métro "Puerta de Arganda".