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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

1794, Le destin du curé de Cayrols

 

Comme précédemment rappelé l’hostilité des campagnes aux réformes révolutionnaires de l’Eglise reposait bien plus sur la personnalité des prêtres que sur l’attachement réel à une doctrine religieuse. Souvent une paroisse supportait mal de se voir imposer un curé constitutionnel en remplacement de celui depuis longtemps en faction et qui inspirait l’estime et la confiance.
Il arrivait parfois que des prêtres réfractaires menaient des campagnes contre les curés de la Constitution. Le prêtre rebelle  Jalenques menaçait même d’excommunication ou de damnation éternelle ceux qui assistaient aux messes constitutionnelles. Il alla jusqu’à laisser entendre «  … qu’il valait mieux tuer les enfants nouveaux nés plutôt que de les laisser baptiser par des prêtres civiques »(1)
L’arrivée imposée d’un curé constitutionnel était souvent le début de conflit.
A Sénezergues les habitants de la commune dressèrent une potence et tendirent une embuscade au nouveau curé en guise d’accueil et d’avertissement.
A Rouffiac, pour empêcher le nouveau curé de célébrer la messe les cordes des cloches furent coupées et le battant de 30 kilos fut disposé de façon à assommer celui qui aurait été assez sot pour y regarder de plus près…(1)
A Cayrols l’abbé Guillaume Miquel était de ceux qui durent faire preuve d’un certain courage pour trancher entre les fidèles à l’Eglise et les menaces républicaines contre les prêtres rebelles. Le spirituel ou le matériel ? Abandonner sa paroisse mais pour la laisser à qui ? Refuser les directives de la Constitutions mais vivre comment et où ? Sachant alors qu’on risque l’emprisonnement et la déportation à Cayenne c’est accorder un peu de compréhension au nombre important de prêtres qui jurèrent fidélité à la Constitution.
L’abbé Miquel n’était pas de ceux là, il jouissait de l’estime de la population, du maire et des notables de la commune
Que pensait-t-il en lisant en chaire, par obligation, les textes du serment du Jeu de paume ? Que pensaient ses paroissiens en apprenant que leur curé devrait se soumettre et refuser l’autorité du pape ?
L’abbé Miquel décida de ne pas se soumettre et de se réfugier chez des particuliers de St Constant. Le 15 novembre 1793 il fut arrêté et condamné à être enfermé dans la prison d’Aurillac en cellules réservées au clergé réfractaire..
Les premiers mois de captivité n’étaient pas sévères, les autorités fermaient les yeux sur les visites et cadeaux que recevaient les prêtres. Ils pouvaient dire la messe et se promener dans les jardins menant à la Jordanne. Certains parvinrent même à s’enfuir avec la complicité de leur geôlier Géraud Fabrègues. L’abbé Miquel tenta de se faire porter malade mais ses médecins n’eurent pas la même mansuétude que leurs confrères et il fut désigné pour être transféré à Bordeaux en attente d’un départ pour la Guyane.
Le 28 mars 1794 le curé de Cayrols faisait partie du convoi des prêtres en partance pour Bordeaux, Cahors et Tulle. Le voyage se fit à pied, seuls les plus âgées avaient droit à une place dans des charrettes. Parfois, à l’occasion d’une halte, la foule surexcitée venait insulter les prisonniers, mais il y avait aussi des gens plus charitables qui leur apportaient des vêtements et de la nourriture.
Etonnement les protestants se montraient souvent pleins de charités pour les proscrits.
Le convoi formé à Aurillac traversa Cayrols. La paroisse était avertie que son curé était parmi les déportés. Alors la foule se massa sur leur passage et arrêta le convoi. Les paroissiens tentèrent d’arracher leur curé aux gendarmes. Le maire tenta de s’interposer. Les gendarmes semblaient désolés de leur mission et s’efforçaient d’écarter la foule sans la brutaliser. Finalement la voix du maire fut entendue et le curé bénit une dernière fois ses paroissiens. En pleurs la foule s’écarta et le convoi reprit sa route.
Arrivé à Bordeaux le convoi pitoyable fut dirigé sur le petit séminaire car le fort regorgeait déjà de captifs. Une fois arrivé il fallut attendre le départ du prochain navire pour le Guyane. Dans la journée du 6 juillet 1794 ce fut un total de 1579 prêtres qui attendait dans leurs geôles.
La santé de Guillaume Miquel commença à se dégrader. Il tomba malade et son état fut jugé grave. Il fut décidé qu’il ne partirait pas pour la Guyane et qu’il serait transféré à l’hôpital de Saint André.
Après plusieurs mois de souffrances il mourut le 9 mars 1795 âgé de 47 ans et son corps fut jeté dans la fosse commune.
A Cayrols le maire Puech, à l’annonce de sa mort, fit vendre aux enchères publique le modeste mobilier du curé.
Guillaume Miquel fut remplacé dans la paroisse par l’abbé Jean Malvezin qui sans hésité avait juré fidélité à la Constitution mais qui abandonna l’église en 1794 pour aller se marier à Saint Mamet applaudi par les esprits forts de la commune et sous la réprobation muette de la grande partie de la population.
 (selon un cahier conservé dans la paroisse de Cayrols où sont consignés les tribulations du curé Miquel)
 (1) AD 15, fonds Delmas, dossier 132