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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

La grande lessive ! 

 

C'est le printemps, dans nos campagnes cantaliennes l'hiver habituellement se traîne pour faire souvent place directement à l'été, pourtant, avant le temps du Calgon dans les machines les femmes des villages s'organisaient pour  "la grande lessive"
En reprenant nos morceaux d’histoire locale on a l’impression de romancer, c’est pourtant du pur témoignage de vécu, de souvenirs d’il y a bien … 60 ans, et qui reviennent sans trop de peine. L’ombre de la Mère Denis plane sur ce témoignage, « ça c’est ben vrai alors ! » …Certains d'entre nous se souviennent peut-être de ce moment. 

Le printemps était arrivé depuis quelques jours déjà et la nature semblait pressée de sortir des torpeurs de l'hiver. Poussées par cette ambiance bucolique les femmes se préparaient  à la grande lessive de printemps.
Elles avaient décidé que ce serait aujourd’hui le grand jour, avec la lune nouvelle il était temps de passer au linge propre !
On s’affairait en tous sens, descendant du grenier les draps de l’hiver, les torchons, les serviettes attachées par douzaines, les longues chemises, les caleçons, les bonnets de nuit des vieux et les mouchoirs de cou pour les foins.
L’eau mise à chauffer dans de grands chaudrons était vidée dans de larges baquets ; les femmes, manches retroussées, se mettaient à frotter et brosser à qui mieux mieux les bras rougis dans l’action. Dans le plus grand des chaudrons de cuivre l’une d’elles disposait en cercle les gros draps des lits clos préalablement lavés, plaçant entre les couches quelques poignées de cendres de bois, tout en ménageant au centre un passage d’où sortait l’eau en ébullition. De temps à autres, munie de louches géantes taillées l’hiver dans le bois, elle recueillait l’eau grisâtre et la répandait avec régularité sur toute la surface de la marmite.
La vapeur, le feu, les ombres passantes, les chaudrons sous lesquels brûlaient des fagots entiers, faisaient dans la buanderie un enfer humide grâce auquel les enfants, le soir avant de se coucher, récitaient leur acte de contrition avec ardeur.
Le lendemain, aux premières heures du matin, le linge encore tiède sera sorti des chaudrons, tordu et mis en corbeilles et tandis que des restes de brume s’accrocheront encore aux montagnes on se hâtera en s’enfonça dans les prés par les chemins creux. Les langues marcheront plus vite que les sabots et le char porteur de la lessive fera craquer ses essieux dans les ornières et dans la sueur des bœufs dans l’air vif.
Parvenues à la rivière les femmes se poseront à genoux dans les caisses de bois, au bord de l’eau, pour de nouveau et de toute leur énergie, rincer et tordre le linge. La lessive sera ensuite étendue au soleil, les draps sur l’herbe des prés et le linge sur les haies ou les genévriers. Le soleil prendra alors la relève pour que le soir tout soit rentré, plié et empilé dans les armoires centenaires fleurant bon l’herbe chaude.

(Vialatte disait qu’au printemps le grand père retirait sa chemise, la retournait et l’enfilait de nouveau en disant : «  ça fait du bien de s’enfiler dans du linge propre … »)

On peut encore voir aujourd'hui à Aurillac le lavoir municipal sur la Jordane, en dessous des "vieilles maisons" et surplombé d'un restaurant, ou bien à Salers en se penchant sur la muraille devant le site majestueux de la vallée du Falgoux, mais les lavoirs restaient rares et les grandes lessives aussi.