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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

1834, Retour sur l’émigration à Paris

 

En 1834 l’Auvergne était une terre refermée sur elle-même, son massif montagneux faisait obstacle aux voies de communication. Si l’Auvergne était peu connue des citadins les auvergnats ne l’étaient pas davantage, qu’ils venaient du Cantal, du Puy de Dôme ou de l’Aubrac ils se confondaient sous un même comportement propre en fait à tous les émigrants : le souci du gain par le travail.
Pourtant, selon leur source d’émigration les auvergnats révélaient des aptitudes et des spécialités différentes. Scieurs de long, décrotteurs, porteurs d’eau, peigneurs de chanvre, chaudronniers, ferrailleurs, rétameurs, étaient autant de métiers constituant la colonie des « gagne-petit » et se mêlant à l’économie des villes.
L’hygiène se limitait à de rares notions et ils étaient vêtus sans autre recherche que la solidité de la toile qui les habillait et qui avait une durabilité remarquable entretenue par de nombreux raccommodages.
Au milieu de la population ces migrants conservaient une position tout à fait particulière, ils ne se mélangeaient pas au milieu ouvrier. Leur défaut d’instruction, leurs goûts simples et les mœurs fermes qu’ils avaient acquis au pays natal étaient souvent la cause de leur isolement et d’une distinction qu’ils entretenaient volontiers.
Ils avaient été élevés dans la religion catholique et la pratiquaient avec ferveur, les femmes du moins… Les retours périodiques au pays entretenaient cette pratique religieuse alors que pour les émigrés définitifs la vie permanente en ville les amenait tôt ou tard à perdre ce sentiment.
Honnête et laborieux par nature, économe par instinct, sobre par habitude, l’homme était d’une intelligence bornée et n’avait pour les classes supérieures de la société aucune rancœur ni envie, il leur réservait au contraire une bienveillance et une forme de déférence.
La femme au contraire était d’un caractère plus enjoué et, plus intelligente que son mari, elle savait lui donner le bon conseil en toute circonstance tout en lui reconnaissant un droit incontestable à diriger les affaires du ménage.
N’ayant aucune passion pour les agitations populaires ils usaient rarement de leur droit de vote en pensant qu’il ne manquait pas de gens honnêtes pour le faire à leur place.
L’avenir de la famille se trouvait garanti par ses qualités morales, son goût du travail et ses dispositions à l’épargne.
Souvent l’enfant émigrait très tôt vers des régions où son ardeur et sa sobriété lui permettaient de constituer un pécule venant aider la famille mais permettre aussi d’être exonéré du service militaire.
Car les montagnards l’avaient en horreur ! Il n’était pas rare que dans certaines communes les réfractaires soient protégés par la population pour échapper à la mobilisation.
Si l’émigration était une nécessité familiale elle était aussi utile à la France entière à qui elle fournissait de robustes travailleurs. Les auvergnats y entretenaient un esprit corporatif, une énergie à surmonter les difficultés et tout autant l’amour de ses racines et l’ardeur à y revenir.
Ils ne choisissaient pas toujours le métier qu’ils allaient exercer. C’était souvent un parent qui travaillait déjà dans la capitale et qui pouvait l’initier à son travail et leur assurer un gîte dans cette ville que l’on disait immense et qu’ils appréhendaient autant qu’elle les attirait comme une grande aventure.
L’aventure commençait au seuil de la porte de la ferme, dès le départ. Les frais de diligence étaient fort élevés et pour une durée de seize jours de route il fallait ajouter seize nuits à l’auberge. La diligence qui partait d’Aurillac pour Paris faisait étape à Vic sur Cère, Murat, St Flour, Massiac, Issoire, Clermont Ferrand, Riom, Aigueperse, Villeneuve, Nevers, La Charité, Cosne, Bony, Gien, Montargis, Nemours et Fontainebleau.
Aussi décidait-on le plus souvent de partir à pieds, par petits groupes de 4 ou 5 hommes parfois du même village, pour se donner du courage et se mettre à l’abri des dangers des routes désertes. Quelques travaux en cours de route assuraient la nourriture et on dormait dans des granges.
Si les routes vers le midi étaient entretenues par de fréquents passages de mules pour le commerce celles vers Paris étaient inexistantes et il fallait s’en remettre le plus souvent à la connaissance d’un ancien pour s’enfoncer dans les campagnes.
La guerre d’Espagne contribua à la décadence du commerce avec le Sud tandis que le développement de la capitale en constructions monumentales, nouveaux quartiers et fortifications avait besoin de nombreux travailleurs.
Les nouveaux quartiers développe une hygiène plus raffinée, les premiers « bains sur roues » circulent en 1819 tandis que les porteurs de bains montent eau et baignoire dans les étages.
Très tôt les petits commerces auvergnats eurent une préférence pour s’établir dans le Faubourg St Antoine car ils y bénéficiaient d’un statut privilégié exempté de toutes contraintes corporatives selon les lettres patentes du Roi aux auvergnats en 1760.
Une solidarité de corps s’établissait tout naturellement. Pour les cantalous elle se doublait d’une solidarité d’origine : porteurs d’eau des vallées de la Cère ou de la Jordanne ou chaudronniers de St Cirgues et Mandailles, se regroupaient dans de modestes immeubles des Cours du Faubourg St Antoine. Tous venaient plus ou moins par les mêmes routes et leur présence dans la ville suscitait étonnement et méfiance des parisiens.
La moindre chambrette est utilisée et les paillasses se serrent les unes contre les autres pour recevoir les compatriotes. Ils s’agissait le plus souvent de logis infects et insalubres où le choléra de 1832 décima la moitié de cette population marginale.
Dans cette capitale où les étrangers se naturalisaient vite l’auvergnat conservait toujours au fond du cœur le souvenir vivace de son pays.
Il avait surtout pour le patois une affection que rien ne pouvait atténuer. C’était son plaisir de le parler tout à son aise après le travail de sa journée. Le français n’était pas sa langue et s’il consentait à lui consacrer quelques mots c’était pour son commerce et pour la politesse qui était la dernière recommandation qu’il ait reçue avant de partir
Par son comportement rural l’auvergnat était un des personnages typiques de la capitale, à tel point que l’on disait « l’auvergnat » sans même préciser son métier. Il retenait l’attention par son caractère bien marqué, ses habitudes de vie encore peu raffinées, une humanité un peu fruste mais des mœurs saines et austères forgées par un sol rude.
Sa position sociale de gagne-petit le plaçait toutefois à la frange d’un monde dangereux et en période de sous emploi les petits larcins à but alimentaire n’étaient pas rare.
En 1840 un journalier âgé de 29 ans, venu de Montsalvy, est condamné à 7 ans de réclusion pour le vol d’un lapin. La valeur du lapin a beaucoup diminuée de nos jours !
Dans la société bourgeoise des préjugés raciaux se créèrent alors parfois : Etienne Cayrol de Pierrefort et Marie Delayac de Paullenc, concierges rue St Eustache, sont désignés sans preuves, coupables d’un vol dans leur immeuble. Arrêtés ils firent 3 mois de prison puis, reconnus innocents,  furent relâchés
 (éléments divers recueillis aux archives de la Préfecture de Police de Paris et à la Bibliothèque de la ville de Paris)