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...La généalogie autrement

 

 

1792, Les évènements macabres de Vitrac

 

Les évènements historiques notoires ne sont pas nombreux dans nos campagnes surtout occupées à assurer le lendemain. En revanche la Révolution amena des faits inattendus des  plus marquants. C’est pourquoi nous y revenons aujourd’hui avec « Les évènements macabres de Vitrac (1792) » (selon l'historien G.Lenotre et une étude publiée dans la Revue de la Haute Auvergne, et des documents consultés aux AD 15 série L 444/445/77 et 28)

Le château de Fargues se situe dans le bourg de Vitrac et reste aujourd’hui l’une des plus belles demeures de sa région.
Cette ancienne seigneurerie appartient à la famille De Méallet depuis le 13ème siècle et durant la guerre de 100 ans une garnison y vécut en permanence pour assurer la défense des lieux contre les anglais.
Au début de la Révolution le vieux comte André De Méallet âgé de 88 ans y vivait entouré de sa famille et de son nombreux personnel domestique. Toute la noblesse de la Châtaigneraie avait pris l’habitude de s’y réunir pour discuter de l’avancement de la Révolution et de la nécessité d’émigrer en Allemagne pour rejoindre l’armée de Coblence.

Un soir qu’ils étaient particulièrement exaltés ils formèrent le projet d’un départ en groupe qui fut aussitôt mis à exécution. Il ne resta plus alors au château que le vieux comte et ses petits enfants. Leur amabilité et leur charité les laissaient penser qu’ils seraient épargnés par la tourmente révolutionnaire.
Il n’en fut rien…

Quatre prêtres qui avaient refusé de se soumettre à la nouvelle Eglise continuaient de dire la messe discrètement au château. Malgré bien des précautions ils finirent par être dénoncés et le vieux comte reçut une lettre du Directoire lui signifiant que les gens préférant se rendre aux offices du château ceux-ci vidaient l’église de Vitrac et qu’il n’aurait droit désormais qu’à deux messes privée pour lui seul.
Le comte répondit dans un style chargé de politesse :
« … qu’il était infiniment sensible à la manière honnête dont on a eu la bonté de le prévenir, que les prêtres n’étaient que deux le troisième étant son fils François, que la foule qui se presse au château n’était que de sa famille et ses domestiques, et que ces calomnies lui étant trop pénibles il envisageait de quitter Vitrac »
Les choses en restèrent là et son fils l’abbé François partit pour Paris.

C’est dans l’hiver que le vieux comte tomba malade et mourut le 1er janvier 1792
Le lendemain un prêtre se rendit au château pour la levée du corps. Il constata avec surprise que le cercueil n’était pas dans la grande salle mais au dehors sur la terrasse. Ce n’était pas ordinaire pas plus que l’absence de la famille pour suivre le corps et toutes les portes de la demeure étaient fermées.
Seule une foule dense, de toute la population de Vitrac suivit le cortège avec recueillement. Tous ne purent entrer dans l’église et restèrent dehors en commentant l’absence de la famille et l’exposition du cercueil au dehors.
L’office rendu, les langues se délièrent rapidement et le bruit couru que le cercueil ne contenait pas le corps mais des pierres et rondins de bois. Les plus informés assurèrent que le comte n’était pas mort et qu’on l’avait fait partir rejoindre ses fils à Coblence. Un tel voyage, en plein hiver, pour un vieillard de 90 ans n’était pas possible mais cette affirmation rencontrait des oreilles complaisantes.
Comme le plus souvent la rumeur s’amplifia et l’on vint à réclamer l’ouverture du cercueil, des pétitions circulèrent jusque sous les yeux du maire qui en référa aux autorités d’Aurillac.
Trois jours plus tard la nouvelle se répandit que la garde nationale et la population des communes voisines marchaient sur le château. Après de longues discussions il fut décidé qu’il appartenait à la municipalité de procéder elle-même à l’exhumation du corps avec toute la décence qui lui était due afin d’éviter une émeute et une profanation de la sépulture.

La foule était déjà fort nombreuse lorsque le maire et le curé se rendirent au cimetière. On n’y laissa entrer que la famille et les gens de Vitrac. Les fossoyeurs commencèrent à creuser la terre et le cercueil apparut …

On le tira hors de terre, le maire et le curé constatèrent qu’il était bien fermé et deux ouvriers entreprirent de l’ouvrir. Le silence se fit pesant. Seuls les gens restés hors du cimetière se laissaient aller à des commentaires. Ceux de Vitrac, serrés autour de la fosse, étaient émus. Le couvercle fut levé et le linceul ouvert. Les cous se tendirent au dessus de la fosse : le cadavre du comte apparut dans la lumière froide de cette journée d’hiver…
Madame De Méallet, ses enfants, ses domestiques, s’approchèrent, puis la municipalité et les gens de Vitrac auxquels le maire recommanda de bien fixer le cadavre pour témoigner à la foule que le comte était bien mort et enterré.
Le curé fit un discours adjurant ses paroissiens de garder leur calme et de ne pas ajouter foi aux racontars mal intentionnés. Ses Paroles calmèrent les esprits et les manifestants se dispersèrent.
Mais ces évènements ne plurent pas au Directoire qui, le 5 janvier 1792, écrivit aux officiers municipaux de Vitrac pour leur donner l’ordre de se rendre immédiatement à Aurillac pour lui rendre compte des «  faits scandaleux qui venaient de se dérouler ».
Bien ennuyés les représentant de la municipalité mirent dix jours à se décider à se rendre à Aurillac. On les reçus dans la salle des délibérations où à leur grand étonnement on leur lut une lettre de la famille De Méallet se plaignant vigoureusement de ce qui s’était passé. Le maire fournit des explications tout en rappelant que l’exhumation eut lieu avec le consentement de la famille.

Mais ce que le maire ne voulu pas dire c’était les véritables motifs de cette sordide affaire : d’où venaient ces rumeurs de fuite ou d’assassinat du comte ?
Qui avait intérêt à lancer de telles informations ? Qui les propageait ?
La famille De Méallet était aimée et respectée de tous mais elle avait contre elle l’émigration de la plupart de ses membres. Les bandes de Milhaud, sur la lancée de la Terreur, profitant de la baisse de prestige de la noblesse, annonçant les restrictions alimentaires qui ne manqueraient pas de se produire sous la menace de la guerre, projetaient de piller le château. Quelques mois plutard, malgré l’opposition du maire et des habitants de Vitrac, les portes du domaine furent enfoncées et la famille De Méallet n’eut que le temps de prendre la fuite.

Le château commença à être pillé, des charrettes de meubles, de linge, de vaisselle et de provisions prirent la route d’Arpajon et de Boisset. La population de Vitrac, qui était étrangère à ce saccage, s’exaspéra de tels comportements et entreprit de chasser les pillards. Une véritable bataille eut lieu autour du château. Trois personnes furent grièvement blessées mais les habitants du bourg l’emportèrent. En se retirant, les hommes de Milhaud se vengèrent sur quelques maisons isolées.

Dans cette même année la famille De Méallet connu une autre épreuve…

 L’un des fils, l’abbé François De Méallet, périt avec 113 autres prêtres dans le massacre du couvent des Carmes à Paris. Il avait refusé de prêter serment à la Constitution et s’était réfugié à Paris avec son évêque. Tous deux disaient la messe dans leur appartement, sortaient peu et ne fréquentaient que des gens surs. Malgré ces précautions il fut dénoncé et arrêté le 23 août 1792
On l’incarcéra au couvent des Carmes à Paris où se trouvaient déjà entassés plusieurs centaines de prêtres et des évêques coupables  de rester fidèles à leur conscience. Dans la nuit vint encore s’ajouter un contingent d’otages raflés à Issy.
Tant bien que mal la vie s’organisait sous la surveillance de la garde du Luxembourg. Du dehors quelques fidèles apportaient du linge et de la nourriture aux captifs. Certains croyant  leur libération proche espéraient chaque matin leur élargissement. D’autres plus réfléchis pensaient à la déportation et peut-être à la mort
Le procureur de la Commune entretenait leurs illusions en annonçant aux captifs qu’ils seraient libérés après vérification de leurs papiers, et qu’ils seraient invités à quitter le pays munis d’un passeport. Le 31 août il annonça que tout serait réglé pour le mieux le 2 septembre.
Le 1er septembre on répandit dans Paris des bruits sinistres : les Prussiens avaient envahi le pays, la Patrie était en danger, les hommes valides allaient tous être enrôlés et les suspects exécutés. Les captifs des Carmes comprirent que la mort allait les frapper.
Le 2 septembre, un dimanche, dans la chapelle des Carmes, les prêtres récitèrent les prières de la messe et se donnèrent mutuellement l’absolution. Au loin on entendait les tambours qui battaient le rappel. Le canon tonnait.
La matinée s’écoula dans le calme. Dans l’après midi la garde fut remplacée par des individus coiffés du bonnet rouge et armés de piques. A trois heures on fit l’appel des prisonniers. On ouvrit une porte donnant sur le jardin et on invita les prêtres à aller prendre l’air.
Vers quatre heures des cris s’élevèrent de la rue :
«  - morts aux réfractaires ! »
La porte du jardin s’ouvrit, une bande d’énergumènes en arme se précipita à travers les haies en réclamant l’archevêque d’Arles. Des coups de feu éclatèrent. Ce fut le commencement de la tuerie. Les captifs fuyèrent se cacher derrière les massifs d’arbustes. Quelques uns sautèrent par-dessus la muraille et parvinrent à s’enfuir. Surgit alors le sinistre Maillard qui intervint pour organiser le massacre après avoir déclenché la même opération à l’abbaye de St Germain des prés. Il avait avec lui une vingtaine d’individus louches prêts à toutes les besognes. Tandis que non loin du couvent la Garde nationale qui ne se doutait de rien faisait l’exercice, les prêtres sont invités à rentrer dans l’église. Maillard les inscrit et au bout du passage ils sont abattus à coup de fusil ou de sabre.

Seulement une vingtaine échappa à cette tuerie …
Au soir du 2 septembre, 114 cadavres gisaient dans le jardin et de couloir de la chapelle. Parmi eux l’abbé François De Méallet de Fargues. Le registre d’écrou de la prison du Luxembourg porte cette mention :
«  François Méallet de Fargues, âgé de 28 ans, natif de la commune de Vitrac, district d’Aurillac, département du Cantal »