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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

1666, Quand la noblesse cantalienne montait à Versailles

 

Bonjour,

Combien de nobles briguaient une situation assise à Versailles, ne fut-ce que sur un tabouret ?
Voici un sujet que Stéphane Bern n'a jamais évoqué. Il me fut personnellement raconté en 1666 par mes deux ancêtres De Boissieux et De Conquans, noblesse de la Châtaigneraie ... Dans cet exposé j'ai été un peu soutenu par St Simon qui au 18ème siècle avait de la Mémoire
Vous pourrez aller vous assoir sur l'un de ces tabourets de la chambre du Roi, en bois sculpté, au musée de Versailles

Au jour du 20 septembre 1666 Hugues De Conquans devait être présenté au Roi Louis XIV avec une délégation d’autres écuyers de la noblesse de la Haute Auvergne. Il s’agissait de solliciter, selon l’usage, son maintien au rang de noble acquit par sa naissance.
Sa famille était d’ancienne chevalerie depuis son ancêtre Guy De Conquans et occupait le château qu’elle avait fait construire à Conquans en 1242 sur la paroisse actuelle de Boisset dans le Cantal.
Son mariage en 1634 avec Catherine De Boisset la Salle en avait fait un vassal des vicomtes de Carlat.
Depuis son retour de Catalogne et du siège de Perpignan où il avait brillament servit les intérêts du Roi, il se préparait à présenter sa requête et obtenir la reconnaissance royale officielle afin de briguer ensuite le titre de Trésorier de France en la province de la Haute Auvergne.
Ce n’était pas une mince affaire que ce déplacement à Paris et une présentation au Roi même fugitive. Lui qui avait servi dans bien des batailles redoutait cette démarche bien plus que toute participation aux guerres. Aussi s’était-il fait accompagner par son vieil ami François De Boissieux, leurs familles se connaissaient de longue date et ils avaient marié leurs enfants le 1er décembre de l’année précédente.
François De Boissieux s’étonna auprès d’Hugues que sa démarche n’ait pas été faite plus tôt.
« - c’est que le moment ne s’est jamais présenté aussi favorablement. Cela avait bien failli se produire il y a une quinzaine d’années mais le Roi était trop jeune, il n’avait que douze ans et il fallait dépendre de sa mère la Régente, qui manquait d’autorité et règnait sous l’influence d’intriguants. Nous étions en pleine « guerre de Tabourets » !
-          des tabourets s’étonna François ?
-          oui, des Tabourets ! Je vous explique 
De tous les avantages de la cour celui le plus ambitionné était le droit d’être assis en présence des majestés. Ce privilège n’était accordé qu’aux femmes titrées, duchesses et  femmes de grands d’Espagne. Il entraînait en plus d’autres droits qui nous paraissent bien futiles à nous gens de province, mais très prisés dans l’entourage royal : ces dames pouvaient porter sur leur carosse une impériale en velours rouge et entrer dans la cour des châteaux royaux en voiture à quatre chevaux.
-          mais pourquoi faire, lui demanda François incrédule ?
-          mon cher, nous sommes dans un autre monde, celui-ci n’a pas la rigueur de notre climat, la beauté de nos montagnes, ni la sagesse naïve de nos paysans pour freiner ces exubérances"
Sous son aspect futile ce privilège du tabouret fait partie de l'Etiquette. Celle-ci n'a pas pour seule raison de glorifier la personne royale et de satisfaire les plus grands, elle maintient aussi la hiérarchie des rangs et permet à chacun de s'imposer à ses inférieurs. Tandis que ces derniers envient les avantages accordés aux plus élevés et tentent de les obtenir à leur tour, ceux qui en bénéficient oeuvrent à écarter leurs concurrents et assurer leur prestige aux yeux de tous.
Ces privilèges étaient jalousement gardés. S'ils se répandaient leur gloire s'effondrerait. Dans ce système tout tient à des apparences mais elles sont essentielles. A la cour de Versailles la réussite est question de rang, toute perte de prestige et fatale et oblige le perdant au retour dans ses terres et à l'oubli.
- mais pourquoi la guerre des tabourets insista François ?
- il faut se souvenir qu'il y a 15 ans la puissance royale était affaiblie, la Fronde grondait toujours, les princes, le Parlement, le peuple, tout le monde s'agitait, la Régence royale avait peu d'autorité et s'ouvrait à toutes les influences, les intérêts de l'Etat étaient en jeu. Le climat était propice aux manoeuvres de salons, les ducs inquiets ressèrent les rangs, la noblesse complote et les honneurs dûs aux grands sont la cible des gentilhommes.
- mais d'où tenez vous ces informations lui demanda François admiratif, tout de même pas de votre château de Conquans où, comme du mien, on ne voit passer que des courants d'airs ?
- c'est que voyez vous j'ai quelques bons amis à Paris qui passent parfois faire étape à Boisset lorsqu'ils se déplacent vers le Languedoc.
- bon, répondit François, continuons alors le récit
Sans se faire prier Hugues poursuivit
- ainsi donc quelques dames ambitieuses pour elles tentèrent par intrigues et cabales d'usurper quelques tabourets et mirent le feu aux poudres provoquant un rassemblement inouî de la noblesse.
Cette guerre était menée par Madame De Chevreuse qui profitant d'avoir les faveurs du Roi et de la Reine obtint pour sa belle soeur Madame De Guéménée le privilège de s'assoir aux côtés du Roi alors que de plus titrés qu'elles restaient debout.
Ainsi bafoués les gens titrés provoquèrent une réunion de la noblesse, des syndics furent nommés qui délibérèrent sur le sujet.
Devant ce tumulte la cour prit peur et annonça la suppression des tabourets.
- mon ami, conclut François, soyez aimable, à notre retour, de me rappeler de faire venir mon menuisier, je lui commanderai quelques uns de ces tabourets pour le cas où il viendrait à l'idée de nos paysans de demander à s'assoir près de moi, l'hiver, dans la cheminée ...