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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

Tiens, voilà revenus les porteurs d'eau

 

Que n’a-t-on pas déjà dit sur les porteurs d’eau ? Et pourtant il faut ajouter la lecture fort édifiante d’un livre intitulé « Les ouvriers des deux mondes » que l’on retrouve sur http://books.google.fr/books?id=4GJwAAAAIAAJ&pg=RA1-PA334&dq=mi-car%C3%AAme+boeuf+gras&hl=fr&ei=4d8pTNb1OML48AaT7oTUCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false et curieusement estampillé « Library of the university of California »

Aller à la page 321 On peut lire à partir de la page 321 une étude faite sur « Les porteurs d’eau de Paris ». Elle émane de « Renseignements recueillis sur les lieux en avril 1858 » par E.Avalle P .p

L’analyse sociale de la condition auvergnate à Paris est un peu sévère mais ce qui gêne le plus c’est qu’elle voit juste ! Voici une reprise des éléments les plus intéressants pour nous Elle prend pour exemple une famille ainsi décrite, en 1858 :

Cette famille habite rive gauche de la Seine, à proximité de la place St Michel dont la fontaine fournit gratuitement à l’ouvrier la matière première de son industrie La majeure partie des porteurs d’eau de Paris sont des émigrants de l’Auvergne Cette classe d’ouvriers s’est adonnée à cette industrie parce qu’elle ne réclame que de la force physique dont ils sont généralement doués,

Le porteur d’eau entreprend son métier presque toujours seul et c’est moins à son intelligence qu’à l’organisation de son métier qu’il doit son rang. Les porteurs dits « à la bretelle » transportent l’eau dans deux seaux reposant sur les épaules, mais ce moyen à considérablement diminué au profit de voitures dites « tonneaux », que traîne le porteur lui-même.

Une particularité remarquable est que ces émigrés Auvergnats conservent un cachet tout à fait spécial au milieu de la population parisienne. Contrairement aux autres émigrés, ils ne prennent guère les mœurs des ouvriers de la capitale Leur défaut d’instruction, leurs goûts simples, les mœurs fermes qu’ils ont acquises au pays natal paraissent être la cause de l’isolement dans lequel ils se maintiennent volontiers.

Les deux époux ont été élevés dans la religion catholique qu’ils ont pratiquée avec ferveur Toutefois, si l’émigration avec retour ne porte pas atteintes à ces bonnes habitudes, il n’en n’est pas de même avec l’émigration définitive. Ces derniers n’assistent qu’irrégulièrement aux offices, puis pour quelques occasions exceptionnelles, puis en viennent à abandonner les pratiques traditionnelles qu’ils regardent alors comme des puérilités.

L’ouvrier est d’une intelligence très bornée. Honnête, laborieux, économe par instinct, il s’adonne avec ardeur aux travaux qui assure le pain de la famille. Doué d’une tendance très prononcée pour l’épargne, il ne paraît sentir les privations qu’il s’impose. D’un caractère doux et tranquille il n’entretient aucun sentiment d’antagonisme ou d’envie des classes supérieures La femme est d’un naturel plus vif et enjoué, d’une gaité parfois même un peu trop libre, satisfaite de sa position. Si elle se livre aux activités de son ménage et à l’éducation de ses enfants, elle trouve encore le moyen d’ajouter, par un travail qui lui est spécifique, du bénéfice à celui de son mari. Plus intelligente que lui elle lui donne ses conseils en toute circonstance, tout en lui reconnaissant son droit incontestable à la direction des affaires de la famille. L’instruction des époux est complètement nulle. Lui, à suivit les enseignements du prêtre de son village mais le manque de pratique lui fit vite oublier ce qu’il avait appris en lecture et en écriture. Elle, n’est guère plus instruite. Cette ignorance se révéla plus préjudiciable quand ils voulurent entreprendre un petit commerce de débit de charbon. D’une nature calme et paisible l’homme n’a aucune passion politique. Il n’a jamais pris part aux agitations populaires et n’a jamais fait usage de son droit d’électeur. Il pense qu’il ne manque pas d’honnêtes gens plus capables que lui pour choisir les membres de la représentation nationale L’insouciance des parents pour les soins de propreté exerce une fâcheuse influence sur l’hygiène de la famille et le dimanche est le seul jour où l’on met un peu d’ordre dans le ménage. L’économie apportée dans toutes les dépenses, la prévoyance, les habitudes de travail et d’honnêteté, les élèvent, d’un point de vue moral, au dessus du monde ouvrier qu’ils ne fréquentent guère. L’industrie de porteur d’eau repose entièrement sous une forme de subvention, puisqu’elle bénéficie de la gratuité d’eau fournie par les fontaines publiques Son travail repose essentiellement sur sa force physique car l’homme porte 20 litres d’eau dans chaque seau, qu’il monte 30 à 40 fois par jour aux étages. Il y consacre 6 à 7 heures par jour en s’efforçant d’organiser ses voyages L’intérieur du ménage laisse beaucoup à désirer pour la propreté et le mobilier est très pauvre, tant les époux ont peu le souci pour la commodité et le bien être.

Il s’en suit une description très détaillée et attachante sur le mode d’existence de la famille, ses biens mobiliers, ses rares moments de loisirs, leur mariage imposé par les parents

En cas d’accident ou de maladie grave le secours pouvait venir des bons rapports entre les porteurs d’eau, l’un des camarades pouvant assurer le remplacement du malade pour ne pas perdre la clientèle. La sécurité de la famille repose essentiellement sur ses qualités morales, l’amour du travail, sa disposition à l’épargne et la confraternité des autres émigrés auvergnats.

Cette analyse apporte cette conclusion :

Si le lozérien n’émigre pas et supporte chez lui les privations les plus rudes (froid et faim) le cantalien décide résolument de « courir le monde » afin de gagner quelques sous pour briller au pays à son retour et acquérir un coin de terre. Il est élevé dans l’idée que l’émigration est un besoin, voire un devoir. Sa mère a hâte de le voir grandir afin d’aller hors du pays, parfois rejoindre le père ou l’oncle déjà absent. Soir et matin la prière se termine par une demande à Dieu d’apporter bonheur et prospérité aux hommes absents et lors des veillées une large part est prise par l’évocation des voyageurs. Ceux revenus enflamment de leurs récits l’imagination des plus jeunes. Cependant les excès de la vie citadine les séduisent tôt ou tard. Au pays la réputation des jeunes de la ville les dise emportés par les passions, délaissant les pratiques religieuses, et d’une négligence morale. A leur retour au pays les familles se referment progressivement au point que les émigrés cantaliens délaissent de plus en plus ce retour.

Cet exposé se finalise par une étude très intéressante sur les considérations familiales et traditionnelles de ceux qui sont restés au pays.

A lire sans modération. !