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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

Comment devenir Chevalier 

 

Vous aimez que l’on vous raconte des histoires, alors je vais vous laisser croire que ce qui suit en est une, pourtant c’est un témoignage que je tiens de la bouche même de mon ancêtre Rigal De Conquans. Le croira qui veut.

Nous sommes en 1345 quelque part dans les bois de la Châtaigneraie, à l’écoute indiscrète de la conversation de Rigal De Conquans, seigneur de Toursac, avec son jeune fils Antoine La famille De Conquans vivait dans son château, sur la paroisse de Boisset. C’était une ancienne chevalerie connue depuis 1260

Le jeune Antoine était allé au devant de son père qui revenait de chasser sur ses terres. Ils caracolaient sur leurs chevaux, de retour au château. L’enfant était espiègle :

«  - Etes vous noble demande-t-il à son père ?

- Sans doute, puisque mon père l’était. La Gentillesse est toujours rapportée par les pères et vous serez noble à votre tour. Votre mère, il est vrai, est de grande noblesse aussi mais c’est de la mienne dont vous aurez à porter et servir le nom jusqu’à la transmettre à vos fils »


Le père porta un regard en coin sur son fils et le vit se redresser imperceptiblement sur sa selle.

«  - Vous êtes né chevalier alors ?

Certes non ! s’esclaffa son père, on n’est pas chevalier de naissance et je n’ai reçu cette dignité qu’à 30 ans.

Etes-vous riche ?

Je possède un beau fief depuis quelques jours seulement et vous me voyez bien fatigué par tous les devoirs et l’honneur que cette possession m’impose

Est-ce si pénible ?

Jugez en, lui répondit son père, il me faut d’abord rendre hommage à mon seigneur dans les 40 jours depuis l’entrée en possession de ce fief. C’est un cérémonial très rigoureux, où le vassal doit s’agenouiller devant son seigneur, sans épée, les mains dans ses mains, lui dire « je suis ton homme » et recevoir son baiser sur les lèvres en signe de soumission. Etant en pèlerinage quand ce fief fut vacant, et revenu le 38ème jour, je n’ai plus que 2 jours pour m’acquitter, sinon le fief me sera repris. Puis je dois rendre l’Ost.

Qu’est-ce ?

C’est l’obligation du service militaire tant que dure la guerre, à mes frais, partout où le seigneur le juge et sans pouvoir me faire remplacer.

Mais tout finit là, et vous êtes maître chez vous ?

Ce n’est que le début ! Quelques temps plus tard je me dois d’aller trouver le seigneur avec deux autres vassaux, de le conduire sur tout mon fief, et de lui montrer toutes les parties, ses limites, les prés, les champs, les maisons et les moulins, l’église même. C’est alors seulement qu’il me donne l’investiture, mais hélas, ce n’est pas la dernière formalité.

Et que reste-t-il donc ?

Le plus important : payer le seigneur. Mon grand père m’a dit qu’il avait connu le temps où à la mort de son vassal, le seigneur reprenait son bien, à moins que le fils du vassal, ne le lui rachète. Aujourd’hui encore, le vassal doit payer son droit d’acquisition qu’on appelle « droit de relief »

Est-ce bien lourd ?

Environ 1 an de nos revenus, je l’ai payé ce matin.

Alors vous voilà quitte de tout engagement ?

Pour mes obligations d’entrée sur mes terres, oui, mais il reste les charges qui m’incombent sur toute la durée de ma tenure, en plus du service militaire dont je vous ai parlé je dois aussi le service judiciaire. En outre, je devrai aussi au seigneur, en quatre cas qui se présentent trop souvent :

°quand il part pour la croisade

°quand il est fait prisonnier

°quand il marie sa fille aînée

°quand son fils aîné est fait chevalier

Mais je m’en passerais bien et j’aimerais encore mieux m’abonner et payer tous les ans une somme honnête qui me préserve de ces imprévus pour lesquels on a bien du mal, parfois, à trouver l’argent. Si encore je pouvais faire ce que je veux de ma terre’, mais je ne puis rien céder sans l’accord du seigneur, et si je vends la moindre portion il y a le droit de quint à payer. Ah, c’est une grosse besogne que de posséder un fief et de le maintenir !

Sans doute, mais vous avez vous-même des vassaux ?

C’est ce qui me console, ils ressentent les rudesses que j’endure

Vous avez aussi de beaux droits, en contrepartie ?

Le plus beau est justement celui que l’on cherche à nous restreindre, figurez-vous que l’on veut nous empêcher de faire la guerre aux voisins qui nous outragent, c’est le comble de l’injustice

Il vous reste des dédommagements ?

Nous avons le droit de justice, mais il ne s’agit que de la petite justice, des petits délits commis sur les chemins. Si encore je pouvais juger le meurtre, le viol, le rapt, l’incendie ou la fausse monnaie, mais les hauts justiciers s’en attribuent le droit ainsi que les sommes exorbitantes que cela leur rapporte. Songe qu’à la mort d’un évêque ils gardent pour eux les meubles du palais épiscopal. Ils frappent monnaie à leur effigie, ont le droit de pêche et de chasse, possèdent les grands cours d’eau et touchent des droits fort élevés sur le prélèvement du bois. Enfin, ils pendent qui ils veulent, même parfois réellement coupables !

Il ne vous reste donc plus rien s’inquiéta son fils Antoine ?

Si, par exemple nos gens doivent moudre leur grain à notre moulin, cuire leur pain à notre four, faire leur vin à notre pressoir. Ce sont là de bons revenus dont nous ne songerions pas à nous plaindre. Nous pouvons aussi voyager et nous faire nourrir et héberger par nos vassaux ou nos vilains. Nous touchons aussi le cens, les tailles et les taxes sur les volailles, l’avoine, le son et les transports. Nos paysans cultivent nos terres, vendangent notre vin, construisent ou réparent nos châteaux et en curent les fossés. Mais cela ne va pas si bien qu’au temps de votre grand père et tous ces gens-là finiront par avoir je ne sais quelle physionomie d’indépendance. Allons, que cela ne nous coupe pas l’appétit, nos chevaux s’endorment, réveillons-les. Le premier qui aura franchi le pont-levis aura gagné le droit de choisir son morceau de volaille !