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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

Destin d’une enfant abandonnée ; 

 

Rien de cantalien dans cette histoire mais elle n’a pas vraiment de référence géographique

J’ai eu à faire face comme beaucoup de chercheurs généalogistes, au problème posé par les « enfants abandonnés » Ce fut le cas pour la mère de mon épouse « née de père inconnu » et confiée par sa mère, à l’âge de 10 jours, à l’Assistance publique à Paris.

Selon l’usage elle fut « placée » par l’Assistance, chez un cultivateur, à l’âge de 13 ans. A l’époque de mes recherches il n’y avait aucun espoir de déverrouiller la situation. Entêté comme beaucoup (et auvergnat de surcroît) je me suis acharné à plusieurs reprises, auprès de « l’Assistance publique de Paris, service des enfants assistés de la Seine » , pour obtenir un « bulletin de renseignements concernant les enfants présentés à l’hospice des enfants assistés » Peine perdue. Jusqu’au jour où, contre tout espoir, ce document fut mis à ma disposition par l’administration, sans raisons particulières (peut-être était-ce dû au fait que la mère fautive aurait eu 100 ans l’année de cette mise à disposition)

Si le cas est banal l’histoire déploie ici toute sa dureté sociale.

les éléments les plus personnels de ce Bulletin, étaient recouverts de Tipex. Par transparence devant une lampe il fut aisé de les découvrir.

La mère mineure avait 22 ans et accoucha le 23 avril 1917 «…des œuvres d’un militaire actuellement au front »

Le jeune père était peut-être en permission, peut-être allait-il partir pour le front, peut-être ignora-t-il cette conception, peut-être même ne fut-il jamais revenu vivant de cette guerre …

Cette jeune mère vivait à Chevrières, petite commune de l’Oise, où il ne devait pas être socialement possible de révéler cette grossesse fautive. Elle réfugia son état dans une petite chambre d’hôtel rue du Mont d’or à Paris, près de sa sœur. Elle y fut un moment couturière, gagnant 4 francs par jour et payant sa chambre 35 francs par mois

A son accouchement, compte tenu qu’elle était mineure, célibataire, et qu’elle n’avait ni domicile ni travail assuré, il lui fut vivement conseillé par l’Assistance publique, d’abandonner son enfant.

Il ne s’agit pas d’un abandon délibéré puisqu’elle laissa son identité à l’administration

Deux ans plus tard cette jeune mère trouva à se marier avec un argentin (militaire engagé ?) qui ne sut peut-être rien de cette naissance. Elle partit poursuivre sa vie en Argentine.

Le destin ajouta alors cette cruauté : cette femme ne put avoir d’autres enfants et en mal de maternité elle chercha un temps à en adopter un.

Toute sa vie ma belle mère vécue avec le douloureux reproche fait à sa mère : « pourquoi m’a-t-elle abandonnée ? Pourquoi ne m’a-t-elle jamais recherchée ? »

Ce qu’elle ne savait pas, jusqu’aux révélations du document, c’est que l’abandon lui fut vivement conseillé par l’A.P. et que le contrat d’abandon spécifiait :

- Ignorance des lieux où l’enfant sera placé

- Interdiction de communiquer avec lui

- Aucune nouvelle ne sera donnée de l’enfant, sauf réponse à la question « est-il encore en vie ?»

Lorsque j’ai révélé à ma belle mère, qu’elle ne fut pas abandonnée par désintérêt et par manque d’affection, elle avait environ 70 ans et m’a dit que pour elle «  … c’était trop tard »

En avons-nous fini avec ce roman façon Zola ? Pas du tout.

Je suis parvenu à retrouver des cousins de ma belle mère. Ils vivaient à Paris, à quelques rues de chez elle, ils se croisaient sans doute le dimanche au marché, sans se connaître. Après les avoir rencontrés ils me confièrent une photo de la maman litigieuse, je l’ai montrée aux enfants de ma belle mère et l’inévitable se produisit :

- je te dis qu’elle te ressemble

- non c’est tout à fait tes yeux

- moi je pense que c’est plutôt toi

Petit retour en arrière :

A 13 ans ma belle mère fut placée par l’A.P. dans une famille paysanne. J’ai obtenu son contrat de placement. En 1934 sur son salaire était retenu :

- 6 francs par jour pour la nourriture

- 180 francs par an pour le logement

- 80 francs par an pour le savon

Elle exerça plus tard les fonctions d’aide soignante à … l’Assistance publique