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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

Pourquoi s’intéresser aux familles CARRIER ? C’est un peu le fruit des hasards de la généalogie. Une de mes aïeules, au début du XIXe siècle, s’appelait Marie-Hélène CARRIER. Dès lors mes recherches me conduisirent à Yolet, paroisse natale de Jean-Baptiste CARRIER, de sinistre mémoire semble-t-il. Par simple curiosité, j’ai voulu savoir à quel degré nous étions, lui et moi, cousins, et peu à peu mon intérêt s’est reporté sur tout ce qui évoquait de près ou de loin ce patronyme.
Aujourd’hui il ne s’agira pas d’évoquer les diverses branches que j’ai ainsi peu à peu reconstituées, mais de parler plutôt méthode. Ensuite je vous livrerai quelques réflexions quant à l’entourage socio-économique des familles CARRIER à Yolet au XVIIe, réflexions que je me suis tenue à la lecture des actes notariés les concernant. Mais ce ne sera qu’une approche car l’interprétation et l’analyse de tous ces documents demandent encore bien du travail.
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MÉTHODE
Peut-on repérer un lieu géographique précis d’où seraient issues les diverses branches CARRIER ? Pour ce faire, un point de départ : Yolet, et les aléas de ma généalogie personnelle. J’ai donc dépouillé systématiquement les registres paroissiaux de cette paroisse des origines (1675) à la Révolution (1792). Tous ceux qui portaient ce patronyme ainsi que leurs alliés ont été relevés. D’autre part, dans ma propre ascendance, j’ai constaté que des mariages avaient été contractés avec des habitants de Giou-de-Mamou, j’ai donc dépouillé les registres de cette paroisse. Les mêmes constatations s’étant imposées pour les paroisses de Vézac, Vic-sur-Cère, Arpajon-sur-Cère ainsi que pour Ladinhac, j’ai procédé de même. Bien que très incomplet, un ensemble de familles commençait à se détacher et j’ai pu ébaucher quelques branches. Puis j’ai cherché dans la série C des Archives Départementales, dans le contrôle des actes de notaires, la mention des contrats de mariage, ceci pour la fin du XVIIe et le XVIIIe. Ce travail fastidieux mais extrêmement important m’a permis d’une part de compléter les familles, d’autre part de connaître les notaires qui avaient la clientèle des familles CARRIER, connaissance indispensable pour les périodes antérieures à la fin du XVIIe où des registres paroissiaux et contrôle des actes de notaires n’existent pas ou plus.
Autre direction de recherche : les personnages cosignant les actes de catholicité des familles. Ainsi on relève dans les actes de la paroisse de Yolet les signatures des notaires NAVARRE, notaire à Yolet, FALGUEYRATZ, notaire à Aurillac et COURBEVAISSE, notaire à Vézac. Si ces hommes avaient signé les actes de naissance et de mariage des familles CARRIER c’est que ces dernières étaient en relation avec eux, soit comme clients privilégiés, guère probable, ou bien, pourquoi pas ? comme parents. Il ne restait plus qu’à dépouiller les minutes des uns et des autres. Ce travail au demeurant fort long, surtout en l’absence de répertoire, s’est révélé très fructueux car non seulement j’ai trouvé mention des CARRIER dès la fin du XVIe mais j’ai aussi appris que ces notaires étaient effectivement apparentés avec certaines branches au XVIIe, branches dont ils avaient cosigné les actes.
Intéressant également, le fait que Jean NAVARRE fut véritablement le notaire attitré des familles CARRIER pendant près de trois quarts de siècle !
Grâce aux minutes d’autres notaires consultées par ailleurs, j’ai matière à reconstituer un panorama de la position économique et par là même sociale des CARRIER au cours du XVIIe et qui, je le précise, vivaient déjà à Yolet et aux alentours. J’ai donc dressé des tables chronologiques de ces actes notariés. Une première série va de 1601 à 1785, avec une large place laissée au XVIIe, soit 301 actes dont 254 pour le XVIIe. Une deuxième série est en cours d’élaboration. Ces séries ainsi constituées donnent une trame solide et permettent de ne pas se disperser sur d’autres sources plus fragmentaires qui serviront de sources de complément. Je pense en disant cela à tout ce qui concerne l’imposition et les actes judiciaires.
À la lecture de ces actes, les fiches de famille se complètent lentement mais sûrement, y compris les familles alliées dont la mère est née CARRIER.

J’ai maintenant à ma disposition un instrument de travail auquel je peux me reporter en cas de besoin. Il s’agit maintenant d’en dégager matière à réflexion et d’en élaborer l’analyse ; le travail est loin d’être terminé mais il est passionnant.
QUELQUES RÉFLEXIONS
Dans l’état actuel de mes recherches, les familles CARRIER sont fortement implantées dans deux régions :
le long de la vallée de la Cre, avec comme commune de référence Yolet
le long de la frontière Cantal-Aveyron, sur les communes de Cros-de-Ronesque, Murols-en-Rouergue, Labrousse et jusqu’aux communes de Ladinhac et Leucamps.
Et quand je dis familles CARRIER, il s’agit bien entendu de familles alliées et en parenté, même si cela remonte à plusieurs générations.
Au XVIIIe, par exmple, certaines branches d’Yolet se fréquentaient avec d’autres de Ladinhac. Par ailleurs je n’ignore pas que ce patronyme est aussi répandu dans d’autres régions de Haute-Auvergne, mais ce qui fait la différence est que ces familles qui vivent dans la vallée de la Cère ou le long de la frontière aveyronnaise sont véritablement liées par le sang.
La première source intéressante : les minutes notariales de Maître NAVARRE. De 1598 au milieu du XVIIe, c’est Jean qui est notaire, la succession est ensuite assurée par un de ses fils, Barthélémy. Après 1672, il n’y a plus trace de cette étude. Mais jusqu’à cette date, quelle richesse ! On y découvre une foule de contrats, d’actes concernant les familles CARRIER et leurs alliés au XVIIe. Quelques actes et contrats sont néanmoins dressés par les notaires FALGUEYRATZ et COURBEVAISSE.
Le premier acte concernant notre patronyme est daté du 21 octobre 1601. Il s’agit d’une procuration de Nicolas LABORIE en faveur de sa femme Giliberte CARRIER. Nicolas LABORIE habite Aurillac, mais les NAVARRE conservent sa clientèle.

Qui sont ces CARRIER ? Ils sont laboureurs, puis marchands suffisamment fortunés pour que l’un d’entre eux entre dans les Ordres, le Séminaire payé par une donation de ses parents. Les laboureurs traitent dès 1613 avec les seigneurs de Giou et de Yolet. Les marchands n’hésitent pas à utiliser cet habile prêt à intérêt qu’est la revente ou rachat. L’argent circule donc. Il en est pour preuve l’incroyable série de quittances qui émaillent tout le XVIIe. Certaines branches jouissent d’une petite notoriété : certains cosignent des actes notariés, d’autres les registres de catholicité.
Et leurs alliances ? grâce aux contrats de mariage, j’ai pu remonter quelques branches jusqu’au début du XVIIe. Le notaire Jean NAVARRE marie trois de ses filles avec des CARRIER qui sont marchands et de branches colatérales différentes (1647, 1653, 1667). En 1702, Maître FALGUEYRATZ autorise son fils à épouser Toinette CARRIER. On se marie par ailleurs souvent entre cousins, beaux-frères, belles-sœurs et ce, sur plusieurs générations, signe qu’on se fréquente… Les quittances de dots sont aussi très nombreuses.
Le niveau d’alphabétisation : les premières signatures apparaissent dans la seconde moitié du XVIIe. C’est l’apanage des hommes, même si nombre de femmes CARRIER passent contrat, en leur nom, devant les notaires.
Sans être des notables à proprement parler, ils semblent vivre dans une certaine aisance. De laboureurs, ils deviennent marchands et oscillent entre ces deux pôles durant le XVIIe avec le prestige d’un des leurs devenu prêtre. Ce qui manque pour accéder au statut supérieur, c’est une fonction juridique. Il faudra pour cela attendre Jean-Baptiste CARRIER, né en 1756, soit encore un bon siècle ; mais d’ici là bien des branches auront connu des revers de fortune.

Marie BARDET