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CANTAL-LIENS

 

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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

 

Issu d’une famille modeste, un jeune cantalien qui habitait Leucamp*, était comme beaucoup « monté » à Paris pour gagner sa vie.
Un jour de 1910, il se trouvait exercer ses fonctions de cireur de parquet, chez Monsieur Grove, un ingénieur anglais professeur de chimie.
Celui-ci avait sur son bureau, en guise de presse-papiers, deux blocs de Wolfram venus de Borralha au Portugal.
Notre jeune domestique en fit tomber un, par un geste maladroit, et fut tout surpris de la réaction de son employeur :
« - malheureux, fais donc un peu attention, ces pierres sont rares et précieuses !
- mais Monsieur, chez nous il y en a de pleins tombereaux et elles servent à empierrer les chemins.
- Tais toi donc, ignorant, tu ne sais même pas de quoi tu parles ! »
Aux vacances suivantes le cantalou lui ramena un plein sac de ces « pierres précieuses ». Stupeur de l’ingénieur. Quelques temps plus tard la Faculté débarqua dans le petit village de Leucamp...
Le Wolfram, plus communément appelé Tungstène, est principalement constitué de Wolframite et de Scheelite. Grâce à son point de fusion très élevé, 3390°, il est utilisé pour la fabrication d’acier résistant à l’usure, à la corrosion, et aux hautes températures.
En 1917, la concession de Leucamp est accordée à la Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt. La mine connaît une intense activité à la fin de la guerre, mais son exploitation est laborieuse et les travaux sont suspendus en 1919. Elle est réouverte en 1941 et sa capacité est augmentée. L’activité se poursuivit jusqu’en 1958.
Mais la Chine produit à bas prix ,et les cours du Tungstène s’effondrent. En 1959, la mine est arrêtée, et de nouvelles réserves, mises en évidence, sont conservées en attente de jours meilleurs.
Le gisement avait été reconnu comme le plus important du district, avec ceux d’Enguiales et de Teissières les Bouliès.

A Teissières*, l’exploitation de la mine anima le bourg d’une activité folle, et les commerces et les cafés étaient florissants. La plupart des mineurs étaient des fils de paysans, bien heureux de trouver là un complément financier aux produits de la ferme. Mais d’autres qui n’y travaillaient pas, l’accusaient de détourner la main-d’œuvre dont ils avaient besoin pour les terres. Certains racontent encore :
« - lorsque le minerai sortait, on le nettoyait à la laverie, puis il passait sur une trémie qui le versait dans un broyeur. Il en ressortait sur un tapis roulant, où des hommes retiraient les mauvaises pierres. Par un nouveau concassage, on obtenait du sable qui passait sur la table à secousses et qui triait encore le quartz et le wolfram, pour finir dans un four où l’on brûlait le gaz très toxique contenu dans le sable. La fumée brûlait toute la végétation. Après un dernier tri magnétique, le métal, à forte densité, était mis en sac pour partir à Laval de Cère, où il était fondu »
Il y eut quelques ouvriers espagnols, et quelques prisonniers allemands pendant la guerre. A cette époque aussi, bien des jeunes y trouvèrent à se dissimuler du S.T.O. Ils renforcèrent souvent les effectifs du Maquis. Le Mont Mouchet n’était pas loin.
« - faut-dire que le Directeur, qui n’était pas d’ici, était un grand résistant. Certains des jeunes partaient attaquer des convois allemands, du côté d’Entraygues. Cette mine, c’était un foyer de la Résistance, et beaucoup de mineurs qui n’étaient pas en règle, se cachaient là »
Le travail était rude, l’extraction se faisait à la main, au burin et à la masse, mais on ne ménageait pas sa peine car on était bien payé, et l’ambiance était bonne.
« - plus tard on a eu les premiers marteaux piqueurs, et pendant l’occupation c’était un tracteur prêté, qui faisait tourner le compresseur. La tentation était forte de forcer sur la production et les heures, pour gagner plus, et des problèmes de santé commencèrent à apparaître. Mais on ne voulait pas trop s’en apercevoir, car c’était le seul travail offert dans la région. »
« - il y avait bien des masques, mais on ne les portait pas toujours. On faisait aussi couler de l’eau sur les perforateurs, mais ça tournait moins vite et ne faisait que de la boue. Parfois, quand on minait à l’explosif, il fallait attendre que la poussière retombe, et l’on en respirait beaucoup »
« - j’ai failli y mourir deux fois ! La première, dans une galerie que l’on venait de miner. J’avais mis le masque à gaz que l’on nous donnait, mais sans savoir qu’il ne protégeait pas du gaz carbonique. Je suis tombé évanoui, et j’y serais resté si je n’avais pas été sorti de là par un prisonnier allemand. Une autre fois, en voulant arrêter un wagonnet qui avait échappé aux manœuvres ».
Au début, l’affaire était mal gérée. Les mineurs étaient payés à l’avancement dans les galeries. Le filon était étroit, guerre plus de quarante centimètres d’épaisseur, alors pour avancer plus vite, on chargeait dans les wagonnets plus de déblais que de minerai.
Puis le propriétaire changeant, le matériel se modernisa et l’affaire devint rentable. En 1957, la tonne de Wolfram se vendait 1 000 000 de Francs. Puis l’on vit arriver de Chine, du minerai identique à 300 000 Francs la tonne, et la mine fut fermée.
Des mineurs y laissèrent leurs poumons sous l’effet de la silicose, mais aujourd’hui encore, ils en parlent avec nostalgie, et à la Sainte Barbe on se retrouve toujours, au banquet des mineurs, et l’on chante « la chanson des mineurs », sur l’air des « Maçons de la Creuse »…

*Leucamp et Teissières les Bouliès, sont deux communes voisines, du Cantal, d’environ 220 à 250 habitants

Marcel Andrieu
(J’ai recueilli et mis en page ces informations en collaborant à l’élaboration d’un musée de la mine, à Leucamp, et de diverses sources dont la publication « Vivre en Châtaigneraie » éditée par I.E.O. Cantal. Pour visiter ce musée, se renseigner à la mairie de Leucamp)


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