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association de liaison pour la généalogie et l'histoire populaire du Cantal

...La généalogie autrement

 

Mont de perdition ou Mont du salut, c'est toujours Montsalvy

 

« Rapatou le diable », « Horrible solitude »,  « Mont de perdition », « Montagne des voleurs », enfants errant dans les limbes et feux-follets, les plus inquiétantes images bordent l’histoire de Montsalvy qui se révèle aujourd’hui pourtant un lieu plein de charme et d’accueil, l’un des joyaux des cités du Cantal. Frissons assuré !
Voici quelques extraits tirés de la Revue n°3 - 1988, de Patrimoine en Châtaigneraie

 

MONTSALVY de la légende à l’histoire

Faire la part de la légende et de l’histoire n’est pas chose facile lorsqu’il s’agit de remonter aux origines de nos villages et de nos traditions. C’est pourtant ce que nous allons essayer de faire concernant Montsalvy.

Légende d’abord : Rapatou et Montsalvy
C’est avec cette dernière que nous allons rencontrer le diable, sans oublier Dieu créateur. Ce dernier lorsqu’il créa l’Auvergne, donna à Rapatou le diable, la permission d’y fonder trois villes. Le démon monta donc sur un rocher au dessus de Vézels Roussy, il s’arracha trois poils et y souffla dessus. Le premier se retrouva à Laroquebrou, le second à Maurs et le troisième à Montsalvy. En quittant le lieu Rapatou laissa derrière lui une telle odeur que la paroisse prit le nom de Roussy. Ce poil arrivé à Montsalvy se transforma en une étonnante muraille cyclopéenne de basalte appelée « le mur du diable », que l’on trouve près du village de Peyre à cinq kilomètres à l’ouest de Montsalvy.

Fondation par St Gaubert :
En ce qui concerne l’histoire, Montsalvy fut fondée par des moines dont le plus connu est St Gaubert. Ce dernier arriva sur cette terre stérile et inculte, couverte de ronces et d’épines, dans la seconde moitié du Xème siècle. Le vicomte Béranger de Carlat l’autorisa à défricher le pays pour y construire des habitations qui furent au nombre de trois : une maison qui servait d’hospice, l’église et le monastère.
Ce terrain a alors besoin d’un nom, on lui donnera une signification : « Mont du salut » qui deviendra par la suite « Montsalvy ». En effet, le terrain délimité par quatre croix, protégeait toutes les personnes en ayant franchi une. En échange elles devaient participer aux travaux des moines. Deux sont encore visibles actuellement : la Croix St Anne et la Croix du Cambon, qui toutes deux ont une originalité sans pareille. Près de la première croix se trouvait une chapelle (la Sainte Font) qui abritait une fontaine dont les eaux rendaient aux nourrices le lait qu’elles avaient perdu.
Une autre chapelle encore existante et très bien conservée, la Chapelle du Reclus, servit de cellule à un religieux de Fageolles (Lot) accusé de sorcellerie et condamné à mort. St Gaubert ayant amené le malheureux au repentir obtint sa grâce et le conduisit à Montsalvy où fut construite sa cellule.
Autour du monastère se construisirent rapidement des maisons et il naquit ainsi une petite citée fortifiée…

Le Puy de l’Arbre :
En s’éloignant un peu de la citée on monte au Puy de l’Arbre dont on parle déjà au Xème siècle, avec son fameux château.
La « montagne des voleurs », couverte de ronces et d’épines, était occupée par des bandes de brigands qui attaquaient les voyageurs et les pèlerins  empruntant la vieille route qui reliait l’Auvergne au Rouergue.
Ce haut plateau de 830 mètres, aussi surnommé « l’horrible solitude » ou « le mont de perdition » avait à son point culminant le château de Mandulphe, qui n’a laissé qu’un alignement de pierres sur une butte artificielle.
Au centre de cette butte persiste une cuvette où l’on observe des traces de feux qui étaient allumés à cette hauteur lors de la St Jean. Il s’y trouve deux rangées  d’arbres en cercles concentriques dont un seul sort des limites du cercle intérieur. Le diamètre des deux cercles passe par l’arbre isolé et semble orienté Est-Ouest. Ces feux traditionnels et cette orientation laissent penser qu’il pourrait s’agir d’un ancien lieu de culte celtique tourné vers le soleil levant ou solstice d’été. L’arbre n’étant pas un objet rare dans cette région couverte de forêts ce symbole pourrait être celui des sacrifices humains fréquents chez les Celtes avant la conquête romaine.
C’est du moins ce qu’il ressort de certains esprits échauffés  qui n’hésitent pas à se rapprocher de repères astronomiques, solaires ou lunaires, tels que les pierres de Cromlech ou les alignements de Carnac …
Le puy de l’Arbre est couronné par une motte féodale des Xèmee et XIème siècles qui est une des plus anciennes forteresses de la région, château primitif de terre et de bois, appelé « castrum Mandarulfen » (château de Mandulfe) et dont l’histoire renvoie à d’autres textes.
Une étude du cadastre de 1836 montre au Puy de l’Arbre une parcelle ronde correspondant à l’emplacement de ce château

Si ce lieu conserve bien des mystères, il servit au XIXème siècle de point géodésique à deux savants Méchin et Derlambre, qui travaillèrent à relever les mesures du quart méridien. Mais les appareils de ces deux érudits effrayèrent quelques paysans montsalvyens qui voulurent donc les chasser à coups de fourche et la maréchaussée dut intervenir. Une modeste stèle indique le passage de la Méridienne de France  

La Croix Cambon et les limbes des enfants :
Des quatre croix qui délimitèrent le terrain défriché par St Gaubert il n’en demeure que deux et de ces deux là on retiendra celle dite « la croix Cambon » Elle est l’exemple unique en Haute Auvergne d’une croix grecque florencée. Dépourvue de fût elle s’épanouit au milieu d’une corbeille de fleurs sauvages, cuirassées de lichens aux reflets d’or.
Cette croix se dresse au sommet du Puy de Lalo. Très érodée elle est façonnée dans un schiste rougeâtre, elle est indatable. Une légende s’attache à cette croix : des enfants non baptisés auraient été enterrés en cet endroit. Lorsqu’une femme s’approchait de la croix elle entendait les voix des âmes des enfants (parfois sous forme de feux follets) se disputant « - c’est ma mère ! » disait l’une « - non, c’est la mienne ! » répondait l’autre.
Cette légende est à rapprocher d’autres concernant les enfants sans baptême.
Ces enfants erraient ainsi à la recherche de leurs parents, parrains et marraines, cherchant à prouver qu’ils sont baptisés pour quitter enfin les limbes.
L’origine de cette légende est à chercher dans l’application du dogme « limbus puerorum » qui a provoqué un véritable traumatisme chez les populations rurales du Moyen-âge.
L’évangile selon St Jean rappelle que celui qui n’est pas baptisé est exclu du Royaume des cieux et que les enfants qui n’ont pas péché iront dans les limbes « à l’entrée de l’abîme » jusqu’à la fin de l’éternité …
Les fidèles sont bien sur frappés par le caractère éternel de ce lieu et l’angoisse populaire va conduire au développement de « sanctuaires à répit ». On y porte alors l’enfant mort-né en invoquant la Vierge et les fidèles voyant quelques fois apparaître un mince souffle de vie offrent au prêtre le temps de le baptiser. L’enfant meurt alors une seconde fois, échappe aux limbes et accède directement au paradis.

De nos jours nul ne peut prétendre passer la nuit sur ce plateau balayé par le vent, sous une lune blafarde, sans guetter encore ces manifestations. Je vous le dis, évitez d’y passer dans la pénombre nocturne car malgré vous la vue des feux follets et les voix des enfants vous glaceront encore de frayeur

Marcel  Andrieu pour Cantal Liens