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...La généalogie autrement

 

Teissières les Bouliès : Vermenouze

(relevé par Marcel Andrieu) 

Un jour, Arsène Vermenouze chassait sur les terres du hameau de Vernines, dans la commune de Teissières les Bouliès. L’anecdote qui suit lui inspira ces vers vengeurs.

A Pantuel (pan de chemise)


Un jour j'étais allé à la chasse,
Et je venais de tuer une bécasse,
Quand je vis, écoutez ceci
Chasseurs qui chassez dans les bois,
Je vis une bête hérissée
Qui, sortie d'une boulaie,
Courait au milieu d'un essart
Et soufflait comme un sanglier.
Je pensais : c'est une guenon,
Car je n'étais pas loin de Vernines,
Un village où il est bien prouvé
Que jadis des singes ont hanté,
Et fait partout à saute-mouton.
Croyez moi, je n'étais pas à la fête !
Car la bête venait vers moi,
Et je lui voyait une touffe de poils
Qui lui passait d'une oreille :
Si par hasard c'était un gorille !
J'en frissonnais d'épouvante,
Car j'ai entendu dire souvent
Que lorsqu'un gorille vous frappe
Avec un gourdin de bois solide,
Vous pouvez bien protéger la tête
Si vous ne voulez pas être assommé.
Or, cette bête hargneuse
Tenait dans sa patte crasseuse
Un pied de houx sec et vieux
Aussi gros que la queue d'un rouable,
Et toujours elle soufflait et courait,
En plus, de temps en temps elle aboyait.
Je versais dans mon fusil
Du plomb pour les bêtes sauvages,
Et je me mis à penser : toi guenon,
Ta peau sera vite comme un crible !
Et déjà, ma foi ! je le visais,
Et les doigts sur les gâchettes, j'appuyais,
Quand, surprise, la bête parla,
Et surtout cria et gueula.
Cette bête c'était un homme.
Que d'un peu plus le feu me brûle !
S'il ne m'avala pas tout cru :
Les insultes un long moment
Coulèrent à flots de sa bouche,
Comme du cul d'un âne, les crottes.
Il avait l'oil traître d'un bélier,
La voix rauque d'un bouvillon,
Et de ses culottes en haillons,
Un pan de chemise bien sale

Sortait comme une queue d'agneau,
Dans les ronces des boulaies.
Il faisait vibrer bois et plaine,
C'était pire que s'il tonnait : - votre nom ?
Dites moi qui vous êtes.
D'où venez vous et que faites vous ?
Vous saurez que toute cette broussaille
Toute cette fougeraie rousse,
Cette boulaie, ce puy,
Appartiennent à Pantagrel le cadet.
Si je vous y retrouve, gare !
Je vous abîmerai le portrait,
Car Pantuel c'est moi.
Je connais Paris et même Bordeaux,
Et je paie vingt écus d'impôts !
Vous m'entendez bien, aurillacois, fripouille,
Ecervelé, espèce de nabot,
Bagarreur, vantard sans le sou !
Moi, que croyez-vous que je fis ?
Comme un brave homme je supportais.
Je quittais mon large chapeau
Et je dis ceci à Pantuel :
- toi, tu n'as pas l'âme hargneuse,
Et encore moins acariâtre
Toi qui maintiens à Paris
Le renom de notre pays,
Moi pour assurer ta gloire
Et faire vivre ta mémoire,
Oh ! Pantuel, ange de douceur,
Pantuel, beau comme une fleur,
Pantuel honnête, Pantuel bon,
Avant que ta vie s'achève,
Moi je veux célébrer très haut,
Ton village et ta vieille maison,
Je veux qu'à cheval de mes rîmes,
Ton nom monte jusqu'aux cimes
Les plus farouches du Cantal ;
Je veux, oh Pantuel de mon âme,
Que, grâce à ma réclame,
ce nom dans quatre cents ans,
Egaye nos enfants.
Il faut que ta gloire, toute entière,
Rejaillisse encore sur Teissières,
Et que tous, petits et grands,
Prennent leur plus superbe mine
Pour dire en parlant de Vernines :
Ce fut ici que naquit,
Monsieur Pantuel le Cadet.


(Traduit de l'occitan, librement et avec talent, par Renaud Falissard,« Lo grelh rouergat » par amitié pour Marcel Andrieui) »
 
Arsène Vermenouze, né à Vielles d'Ytrac 1850-1910 - Fondateur de l'Ecole auvergnate, Major du Félibrige, Directeur de « La Cabrette ».